• La face cachée

    « Vous êtes en burn-out maternel et vous ne tiendrez pas une année de plus comme ça. »

    Cette phrase est tombée, percutante, lors de ma dernière consultation chez le psy. Et avec elle un barrage a cédé en moi, laissant sortir un flot de larmes intarissables.

    Je me suis souvent posé la question du burn-out maternel pour expliquer mon comportement mais j’en arrivais toujours à la même conclusion. Ce n’était pas possible pour moi.

    Non pas que je suis mieux que les autres, mais justement les autres font mieux et sont donc plus légitimes à faire un burn-out.

    Alors quand le psy, un professionnel, a utilisé ce terme pour définir mon état, j’ai juste pleuré comme un bébé en pleine crise de décharge. Les cris en moins, mais avec ce sentiment que ça ne s’arrêtera jamais.

    C’est comme si il m’avait dit « vous avez le DROIT d’être fatiguée ».

    Et pourtant je ne fais rien d’exceptionnel, je ne fais rien de plus que ce que font des milliers de mères.

    Je ne suis pas la seule à être mère de famille nombreuse, ni la seule à avoir des enfants rapprochés, ni la seule à avoir des jumeaux, ni la seule à travailler, ni la seule à avoir un passé douloureux et une famille absente ou inexistante. 

    Et je ne suis sûrement pas la seule à cumuler tout ça non plus. 

    Vous voyez, je ne suis qu’une « femme » banale à la vie banale. Alors pourquoi serais-je en burn-out ?

    Déjà pourquoi avoir écrit « femme » entre guillemets ? Tout simplement parce que c’est un terme que j’ai toujours beaucoup de mal à utiliser pour moi. Je ne me vois pas vraiment en tant que telle mais plutôt en tant que « fille évoluant dans un monde d’adulte ». 

    Je vais pourtant avoir 34 ans et je n’ai aucun souci avec mon âge, je ne suis pas du genre « Oh mon Dieu j’ai un an de plus je vieillis ! ». Honnêtement ça ne me fait rien du tout. Mais « femme » ça fait tellement adulte.

    C’est d’ailleurs peut-être pour ça que je n’ai jamais cru le burn-out maternel possible pour moi, c’est un truc d’adulte justement.

    Et pourtant vendredi j’ai réalisé à quel point il avait raison et à quel point j’avais besoin de l’entendre.

    D’ailleurs maintenant je sais que c’est ça qui bloque mon travail sur moi.

    Le psy me l’a d’ailleurs confirmé, je ne pourrai pas progresser tant que je ne me serai pas reposée pendant 15 jours sans les grands.

    « J’ai en face de moi une femme fatiguée, une femme lessivée. Quand vous êtes-vous reposée en pensant uniquement à vous pour la dernière fois ? »

    Alors en théorie ça me ferait énormément de bien 15 jours sans les grands et j’y serais même prête. Mais en pratique on fait comment quand on a pas de famille pour prendre le relais ?

    Quand les colonies ne prennent qu’à partir de 6 ans et que de toute façon Big Brother refuserait d’y aller car il serait seul et sans repères pendant trop longtemps ?

    J’ai besoin de me reposer certes mais si c’est pour angoisser pendant 15 jours ça sera tout sauf du repos.

    J’ai toujours fait face et aujourd’hui je m’aperçois que ça n’était qu’une façade pour ne pas montrer mes faiblesses au monde. « Face », « façade » des mots à l’étymologie identique d’ailleurs...

    Pour ne pas entendre « Tu les as voulu, tu les assumes. » Phrase que je n’ai en réalité entendue que dans ma tête, prononcée par moi-même. 

    Et c’est vrai, je les ai voulus, tous tellement voulus, même ce bébé surprise qu’est Babyfae. Je l’ai voulu dès que j’ai su qu’il était là et sûrement même avant puisque j’avais rêvé d’une grossesse classique. 

    Alors comment ne pas assumer ? Ou plutôt comment assumer de ne pas être à la hauteur ?

    « Vous êtes une traumatisée et Big Brother, inconsciemment, ravive vos traumas. Comme si on allumait une allumette au visage d’un rescapé d’un incendie. »

    Est-ce que c’est ce trauma qui accentue la difficulté ? Ou est-ce que c’est moi qui ne suis pas à la hauteur ? Ou est-ce que c’est juste vraiment la chose la plus difficile au monde d’être parent ?

    Est-ce que c’est difficile parce que je me mets la pression ? Ou parce que je suis instable ? 

    Est-ce que je pourrais réussir à sortir un jour de ce cercle vicieux de fatigue, de colère, de traumas et de pensées obscures et tenaces ?

    Depuis que j’en parle ça fait 3 fois qu’on me dit que je ne pourrai pas reprendre le travail dans un peu plus de 2 mois, que je ne saurai pas et pourtant je sais que même en pleurs j’irai parce que je ne sais pas faire autrement.

    Mes angoisses font que je ne peux pas ne pas travailler si je perds trop de salaire. Parce que assumer pour moi c’est ça aussi. Et je dis bien POUR MOI. 

    Et même si je n’assure pas je souhaite continuer à assumer. 

    Je n’arrive pas à ne plus me « battre » et c’est sûrement mon problème parce que je finirais sûrement par me battre contre des moulins à vent. Mais ça au moins, me battre ou me débattre, c’est quelque chose que je sais faire.

    Je ne supporte pas l’échec, je ne supporte pas ce diagnostique même si je sais qu’il n’est que trop réel. 

    Je sais seulement que je suis la seule à pouvoir agir parce que personne ne le fera à ma place. Et honnêtement je suis paumée parce que je baigne dans des signaux contradictoires. 

    On me dit que « je gère », que j’ai « du courage » ou « du mérite » et même que « c’est normal » mais si vous saviez à quel point c’est faux. 

    Je ne suis qu’une façade en train de se briser et je tente juste de colmater les brèches pour conserver les apparences et continuer à faire face. 

    La face cachée

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    « Et il fait ses nuit ?Je suis qui (?) je suis »

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  • Commentaires

    1
    Ktou
    Samedi 2 Novembre 2019 à 07:12
    Comment allez-vous ?
      • Samedi 2 Novembre 2019 à 15:36

        C'est très gentil de demander, je continue le travail sur moi, ça prendra du temps

    2
    Ktou
    Samedi 2 Novembre 2019 à 18:05
    Votre texte (très bien écrit) illustre parfaitement l'amour inconditionnel et la difficulté d'être mère. L'énergie incroyable qu'ils nous apportent et qu'ils nous prennent.

    PS: je comprends totalement pour le travail...
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