• Mon grand petit garçon

    Tu es toujours mon tout petit et tu es pourtant si grand. 2 ans et demi d'avance à ton âge c'est tout simplement énorme, et parfois tellement déstabilisant. 

    Après seulement quelques mois passés chez elle, ta nounou me disait déjà "Il n'est pas comme les autres, c'est un phénomène et j'en ai vu passer des enfants". 

    C'est toujours une fierté d'entendre ce genre de phrase mais elle le disait elle-même, elle t'aime comme son propre petit-fils alors je me disais qu'elle manquait d'objectivité, tout autant que nous.

    Evidemment nous t'avons toujours trouvé très intelligent et tu nous as souvent épatés, et tu nous épates encore régulièrement d'ailleurs. Mais tu es notre premier enfant et nous n'avions pas vraiment de point de repère. Et puis, je trouvais ça prétentieux de te trouver plus intelligent que les autres. D'ailleurs, quel parent ne trouve pas son enfant plus intelligent, plus beau, plus dégourdi, tout simplement "plus" que les autres ?

    Mais quand le psychologue nous a demandé si nous connaissions le terme EIP (Enfant Intellectuellement Précoce) j'ai senti comme un poids se soulever de mes épaules... Pour mieux venir s'y rabattre.  

    Et si je gâchais ton potentiel ? Si je te faisais régresser au lieu de progresser ?  Si je ne savais pas comment t'accompagner en respectant ton évolution ? Et si je ne n'étais pas capable de reconnaître et d'accompagner tes angoisses ?

    Tu as 3 ans, presque et demi, tu es toujours mon bébé et tu es pourtant déjà si soucieux. Tu penses à des choses que tu devrais ignorer à ton âge et j'ai parfois du mal à trouver les mots pour te rassurer. 

    Tu as cette peur de l'abandon ancrée en toi et qui fait fuser tes méninges, accentuant tes angoisses.  

    "Personne ne va voler mon papa et ma maman hein ?", 

    "Personne ne va venir nous tirer [dessus] ?" 

    "Personne ne va voler notre maison ?" 

    "Notre maison elle va pas brûler ?" 

    Tes mots brisent mon cœur de maman qui ne sait plus comment te rassurer.  

    Je te répète sans cesse que je t'aime, que je suis votre maman à tous les 3 et que vous avez chacun votre place, que je viendrai toujours te chercher à la garderie, que papa rentrera toujours du travail, que nous te protégerons sans relâche et j'en passe. Et pourtant tes angoisses ne s'apaisent pas. 

    Ma culpabilité légendaire s'en voit d'autant plus alourdie que j'entends régulièrement "C'est bizarre qu'il pense ça à son âge." 

    La précocité c'est à double tranchant. C'est une fierté permanente de te voir évoluer si rapidement, de te voir faire des choses qui ne sont a priori pas de ton âge.  

    Tu reconnais les lettres de ton prénom et tu sais presque l'écrire seul.  

    Tu sais compter jusqu'à 15 en français et jusqu'à 10 en anglais. 

    Tu es le seul à vouvoyer ta maîtresse et elle est aussi impressionnée que nous.  

    Mais c'est aussi une tragédie de voir que tu anticipes tout et que tu ne profites pas simplement des choses comme les enfants de ton âge.  

    C'est aussi difficile de voir que tu refuses de faire ce qui ne t'intéresse pas. Le psy nous a bien dit que pour les enfants comme toi, le dessin et l'écriture ne vont pas assez vite pour ta pensée et que tu préfère les éviter au point de refuser de dessiner un simple bonhomme en classe.  

    Sur ce point, il semblerait néanmoins que tu te sois assoupli en classe et que tu acceptes enfin de faire comme les autres. 

    Ta maîtresse m'a déjà dit qu'elle a peur de te mettre en échec scolaire car elle n'est pas formée pour les "enfants comme toi". Elle s'adapte tant qu'elle peut, elle te laisse faire autre chose quand c'est possible et je l'ai sentie rassurée quand je lui ai dit que tu étais content de tes journées. 

    Et moi j'ai peur d'accentuer ta peur de l'abandon depuis la naissance de tes frères car je manque de temps, je me divise en permanence et je ne peux pas faire tout ce que je souhaiterai, ce qui est aussi frustrant pour toi que pour moi. 

    Tu as beau être en avance sur beaucoup de chose, tu as toujours les capacités émotionnelles d'un enfant de ton âge... en plus fort. Le psychologue et l'ostéopathe que tu as rencontrés nous ont tous les deux expliqués que les émotions chez les enfants précoces étaient exacerbées.  

    Quand tu étais bébé, je me suis souvent demandé si tu n'étais pas un B.A.B.I. Mais il y avait finalement autant de points qui te correspondaient que de points qui étaient si éloignés de ton caractère. Tu as toujours accepté d'aller vers les autres, tu as rapidement si jouer seul, comparé à tes frères on peut dire que tu t'es peu fait mal volontairement.  

    Et depuis l'arrivée de Babyglu, je sais qu'un B.A.B.I. c'est tout autre chose que toi bébé ! 

    Mais je sais aussi que tu es un hyper sensible, que tout te touche et que tu n'aimes pas voir les personnes que tu aimes tristes ou malades. 

    Tu es très attentionné, tu souhaites une bonne journée à tout le monde, tu nous demandes comment nous allons, tu nous fait des bisous, tu apportes des jouets à tes frères pour les calmer (quand tu es décidé bien sûr !!), tu dis à ta maîtresse "Le soleil va se coucher, il faut que tu rentres pour te reposer."  

    Et tu ne peux pas savoir à quel point je suis fière d'être ta maman. Je suis fière d'entendre régulièrement que les gens sont épatés d'un tel comportement et d'un tel langage à ton âge. Je suis fière devant ta volonté d'apprendre encore et toujours, tes demandes constantes pour faire des activités, découvrir les lettres et les chiffres et tant d'autres choses. 

     

    Et je tiens à ce que tu saches que rien n’entachera jamais cette fierté et que oui je serai toujours ta maman et je t'aimerais toujours plus que tout au monde, plus que tout l'univers et même bien plus encore...

      Mon grand petit garçon

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